Prendre le temps d’échanger

Au café-librairie d’Ardelaine, nous proposons depuis quelques années des « cycles thématiques » de rencontres et de soirées-débat.

Le but ? Sortir du mode « zapping » qui nous envahit toutes et tous : passer d’un sujet à l’autre, effleurer une question, rebondir sur une problématique… Au gré souvent de l’actualité, culturelle, politique, sociale…
A contrario, nous avons voulu prendre le temps de filer un thème, au printemps, pour faire fleurir nos réflexions ! C’est ainsi que nous avons conçu les Rendez-Vous du Café-Librairie.

Le retour à la terre, le(s) féminismes, la couleur ont ainsi été sujets à explorer ensemble. Ce printemps nous avons choisi les relations entre être humain et animal.

Un sujet qui nous touche

Depuis nos premiers pas sur Terre, êtres humains et animaux s’observent, se rencontrent, se craignent, s’affrontent, s’évitent ou collaborent. Un pas décisif est franchi il y a environ 10 000 ans : la domestication modifie en profondeur les comportements, le rapport à la nature et les patrimoines génétiques ! Avec la disparition de nombreuses espèces, des questions s’imposent : comment définir, collectivement, un nouveau lien au vivant ? Quelles relations désirons-nous établir avec les animaux qui partagent notre destin terrestre ?

Pour Ardelaine, qui collabore avec 25 000 brebis et 200 éleveurs, ces questions sont évidemment au cœur de nos préoccupations. Elles le sont bien évidement pour les personnes qui vivent au contact des animaux, qu’ils soient sauvages ou domestiques, mais au-delà elles nous interrogent toutes et tous sur notre place dans le monde, sur ce que nous en faisons et sur ce que nous pouvons réinventer et créer…

Nous avons choisi deux portes d’entrée pour aborder ce thème si vaste : notre lien au monde sauvage et celui aux animaux d’élevage.

Des intervenants passionnés et passionnants

Pour l’entrée « monde sauvage » nous avons eu le grand plaisir d’un partenariat avec les éditions Actes Sud, qui a justement en son sein une collection du même nom.

C’est ainsi que Stéphane Durand et Gilbert Cochet, auteurs et naturalistes érudits, sont venus chez nous partager deux belles soirées. À chacune d’entre elles, près de 50 personnes ont ainsi pu prendre la mesure de ce qu’a été et de ce qu’est aujourd’hui la nature dite sauvage, ce qu’elle représente dans nos imaginaires et de ce qu’elle permet. Nous convaincre, s’il en était encore besoin, que l’humanité a besoin de cette nature, vivante, fougueuse, luxuriante, … si elle-même veut continuer à vivre. La biodiversité est plus qu’une nécessité, c’est une condition sine qua none pour tous les être vivants.

Là où nous avons pu être surpris c’est lorsqu’il nous a été montré comment cette nature sauvage est encore possible sur nos territoires, en France et en Europe. La réintroduction d’espèces, végétales ou animales, permet la régénérescence des milieux, les échanges et même… d’impacter positivement l’économie !

Rien de naïf ou de déconnecté dans ces approches, mais des convictions et… du terrain. De la connaissance, celle accumulée, partagée, observée, pendant des années. De la compréhension de ce que ce côtoiement peut provoquer pour les êtres humains qui habitent ces territoires où le sauvage tente de reprendre ses marques… De l’écoute et du partage des savoirs et savoir-faire nécessaires pour réapprendre à vivre « avec » et non plus « contre », attitude encore bien ancrée dans notre civilisation, ou « hors de » comme certains mouvements extrêmes peuvent le prôner…

Retour à nos moutons et à l’élevage !

Nous nous sommes rapprochés de vétérinaires et d’éleveuses, Alain Boutonnet, Patrice Rouchossé, Danielle Meurot, Elodie Mathieu, plutôt hors normes, et d’un ethno-écologue, Nicolas Lescureux, qui a partagé avec nous ses connaissances sur l’histoire de la domestication… De beaux moments plein d’intelligence et de finesse : un régal !

De prime abord, le sujet sur l’homéopathie à la ferme pouvait paraître bien spécialisé et donc un peu étroit… Que nenni ! Cette approche de la santé des animaux qui nous sont familiers est bien plus vaste qu’une façon de soigner parmi d’autres… Elle interroge notre relation avec eux, nos différents rôles, nos interactions… Elle montre la puissance de cette relation, qui ouvre le regard de ceux et celles qui la vivent : empathie, patience, émerveillement, respect…

Ce lien, nous l’avons aussi exploré avec Nicolas Lescureux, en parcourant l’histoire de la domestication. Histoire complexe puisqu’elle a commencé il y a plusieurs centaines de milliers d’années et selon des voies multiples. L’interdépendance entre humains et animaux s’est construite, et les a profondément transformés culturellement, socialement et biologiquement. Aujourd’hui, la méconnaissance de cette histoire et l’assimilation de l’élevage aux pratiques de l’agro-industrie donnent parfois lieu à des raccourcis et des prises de position radicales. Le XXème siècle a vu apparaître un système de productions animales purement économique, qui asservit aussi bien les animaux que les humains, puisque sa seule rationalité est productive… La conclusion de cette intervention riche en contenus, impliquée et impliquante, fût encore une fois que la réalité de notre lien aux animaux et au vivant va bien au-delà de la simple consommation et qu’il s’agit ici de vivre par, pour et avec.

On continue !

La qualité de ces soirées, la rencontre avec ces intervenant-e-s venu-e-s partager leurs connaissances de façon simple, désintéressée et engagée nous conforte dans notre chemin. C’est avec beaucoup de plaisir que nous sommes déjà en train de vous concocter les prochains rendez-vous du café-librairie !

On vous en reparle bientôt !

En attendant n’hésitez pas à plonger dans les livres et articles qui nous ont inspiré tout au long de cette thématique :

• 20 000 ans ou la grande histoire de la nature – Stéphane Durand – Actes Sud
• Ré-ensauvageons la France – Gilbert Cochet, Stéphane Durand – Actes Sud
• Homéopathie à la ferme, des éleveurs racontent – Ouvrage collectif – Editions Repas
• Homéopathie et animaux – Patrice Rouchossé – Editions Narayana
• De la réciprocité au déséquilibre : relations entre humains et loups au Kirghizstan – Nicolas Lescureux – Atelier-Laines d’Europe n°27 – juillet 2018
• Maintenir la réciprocité pour mieux coexister. Ethnographie du récit kirghiz des relations dynamiques entre les hommes et les loups – Nicolas Lescureux – Thèse de doctorat, 2007 – Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris (France)
• Les diplomates – Baptiste Morizot – Actes Sud
• Les débuts de l’élevage – Jean-Denis Vigne – Le Pommier